Pourquoi nous avons écrit “La Fabrique des Start-up” ?

Jean-François Caillard
6 min readDec 5, 2018

Nous nous connaissons depuis plus de 25 ans avec Thomas Paris et nos trajectoires professionnelles ont été très différentes mais croisées autour des mêmes sujets d’innovation. En discutant l’année dernière sur nos expériences, nous avons pris conscience que la création de start-up est en train de s’industrialiser en silence, avec des gains de productivité et une massification sans précédent, impliquant des millions d’entrepreneurs et de forts impacts économiques et culturels. Après une première révolution digitale, qui a créé des gains de productivité depuis 30 ans sans pour autant remettre en cause les fondamentaux, c’est une deuxième révolution digitale qui a commencé récemment, avec des impacts sociétaux infiniment plus importants que la première, et qui n’avait pas encore été vraiment décrite.

Le poids des start-up est encore minime dans l’économie, sauf aux Etats-Unis si l’on considère que les GAFA sont encore des start-up. La Silicon Valley est devenue une usine à start-up très productive, parce qu’elle sait parier sur les talents et intégrer la gestion des échecs comme source d’apprentissage, donc partie intégrante du processus, exactement comme dans les industries de la création (luxe, architecture, musique, jeu vidéo…) que Thomas a étudiées et enseigné pendant deux décennies. C’est ce mécanisme d’industrialisation impressionnant et récent qui arrive en France que nous avons voulu expliquer. Mais chemin faisant, nous avons pris conscience qu’il fallait aussi prendre le temps de détailler toute la chaîne de valeur pour que notre propos fasse sens.

En tirant le fil de la discussion, nous avons mis en lumière d’une part la très forte montée en compétence récente de tous les acteurs de l’écosystème entrepreneurial (incubateurs, accélérateurs, fonds, start-up studios…), l’impressionnante montée en puissance des outils à leur disposition (Clouds, suites SaaS…) et d’autre part la frappante convergence avec les sociétés qui gèrent des talents créatifs, pour certains de façon industrielle.

Car il y a des nombreuses similarités entre les start-up studio et les studios de jeu video ou d’architecture. Nous avons tous les deux collaboré avec Ubisoft, à des stades différents, éditeur de jeu vidéo où chaque jeu est une start-up et chaque chef de projet est un peu un entrepreneur. Nous avons pensé que ces deux univers avaient beaucoup de choses à s’apprendre l’un de l’autre et que cela n’avait jamais été décrit, ce qui a renforcé l’envie de faire le livre. Nous avons eu la chance qu’il intéresse un éditeur, Pearson.

L’entrepreneuriat devient la voie royale

Lorsque nous sommes sortis d’école d’ingénieur il y a plus de 20 ans avec Thomas, travailler dans une start-up était très rare, et en monter aussi.

J’ai essayé, plusieurs fois, sans succès. Tout était très compliqué et il n’y avait pas de mode d’emploi. Personne pour nous expliquer et il était très difficile de lever de l’argent. Il n’y avait pas de success story, pas de repère. Aujourd’hui, plus de la moitié des étudiants sont candidats à l’entrepreneuriat, les “role modèles” sont les fondateurs de Free (Xavier Niel), de Google (Larry Page et Sergei Brin), d’Amazon (Jeff Bezos), de SpaceX (Elon Musk) ou de Facebook (Mark Zuckerberg). L’entrepreneuriat est une voie massive et prestigieuse. Il y a des millions de jeunes qui montent leur start-up et certains réussissent. De plus en plus. Ils s’attaquent à résoudre tous les grands problèmes qui sont à leur portée. Ils sont à l’origine de la puissance de la vague de start-up, qui a déjà balayé de nombreux oligopoles et ce n’est que le début. Les outils et les financements à leur disposition pour y parvenir sont désormais complets, puissants et accessibles. Les conséquences sociétales et économiques de cette massification seront très fortes mais encore difficiles à appréhender. Le sens de cette transformation, s’il en a un, reste également très largement à investiguer.

La jeune génération se lance avec une maturité énorme, et nous aimerions que ce livre puisse aussi leur servir sur cette route, comme nous aurions aimé l’avoir à 25 ans, et avons-nous dressé un panorama des outils et des méthodologies à leur disposition pour se développer et se financer.

A l’intérieur des entreprises, les “intrapreneurs” sont aussi de plus en plus nombreux et le chapitre 4 de la Fabrique peut les faire se sentir moins seuls, leur apporter des enseignements sur le chemin parcouru par d’autres, pour créer des nouveaux business à l’intérieur des entreprises établies, ce qui est parfois un formidable réservoir de croissance. “L’intrapreneuriat” est un sujet important qui avait été trop rarement abordé.

Ecrire un livre est un chemin et non une destination

La rédaction a été un travail passionnant car en écrivant, on découvre des tas de choses et on apprend énormément. Enfin surtout moi, car en tant que chercheur au CNRS, le travail de Thomas est justement cette connaissance. Articuler une pensée et tenter de la rendre intéressante sur 200 pages est un exercice stimulant. On s’aperçoit qu’avant de parler de start-up studio, il faut parler d’accélérateur et de fonds d’investissements, et avec pédagogie, en limitant les anglicismes. Pour clarifier, préciser et élaborer sa pensée, il faut lire beaucoup, interroger des gens…

Il y a énormément de boulot entre l’intention du livre et sa rédaction finale car il faut être très précis. Quand on fait une présentation orale et qu’on se trompe, on peut se reprendre. Quand on fait une erreur sur un article de blog, on peut se corriger. On ne peut pas modifier un livre qui est publié. Il reste des erreurs, et à peine a-t-on donné un bon à tirer que l’on veut corriger plein de choses… car certains sujets ou certains acteurs ont été mal servis, nous les prions de nous excuser. Certains sujets ont déjà évolué.

Ca a été l’occasion de rencontrer ou de mieux découvrir des dizaines de personnes exceptionnelles, qui sont nommées ou qui ont souhaité rester anonymes. Ca a été aussi l’occasion aussi de mieux se connaitre avec Thomas. Quand nous avons reçu la préface de Xavier Niel et l’avant-propos de Nicolas Dufourcq, nous avons compris qu’ils étaient déjà quelques kilomètres devant nous… La suite de ce chemin, il sera avec les lecteurs…

Ce n’est pas parce que l’on n’a rien à dire qu’il faut se taire, a dit sous une forme châtiée un célèbre philosophe du XXè siècle. Ce n’est pas parce que l’on a quelque chose à dire qu’il faut s’abstenir de l’écrire. Et ce n’est pas parce qu’on l’a écrit, que l’on sera lu, et encore moins que l’on sera compris… mais cette partie de l’histoire, c’est à vous maintenant de la raconter.

Jean-François et Thomas

L’ouvrage peut être commandé ici, ou encore .

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